Le couperet est tombé sans crier gare. Depuis son bureau ovale, Donald Trump a signé mercredi dernier un décret musclé interdisant l’accès au territoire américain aux ressortissants de 12 pays. Un « travel ban » qui fait déjà trembler le monde du sport à l’approche de deux événements planétaires programmés sur le sol américain : la Coupe du Monde 2026 et les Jeux Olympiques de Los Angeles 2028. Entre exemptions pour les athlètes et inquiétudes pour les supporters, cette mesure controversée soulève une avalanche de questions sur l’organisation de ces compétitions qui, par essence, célèbrent l’universalité et le rassemblement des nations.
Le « Travel Ban » de Trump : une bombe à retardement pour les grands événements sportifs
Avec son décret signé le 4 juin, Donald Trump a fermé le territoire américain aux ressortissants de 12 pays, parmi lesquels l’Afghanistan, l’Iran, Haïti, la Somalie ou encore le Soudan. Sept autres nations, dont le Venezuela, font l’objet de restrictions partielles. Une décision qui suscite l’émoi à quelques mois seulement du début des préparatifs pour la Coupe du Monde 2026 et à trois ans des JO de Los Angeles.
Si le décret prévoit des exemptions pour les athlètes participant à ces deux compétitions majeures, de nombreuses zones d’ombre subsistent quant à l’application concrète de ces mesures. Qui plus est, aucune dérogation n’a été prévue pour les supporters, ce qui pourrait créer un déséquilibre compétitif flagrant entre les nations.
Les pays concernés et les implications directes pour le sport mondial
Le « travel ban » impacte un nombre significatif de nations impliquées dans le paysage sportif international. La liste complète des pays touchés soulève des questions pratiques pour l’organisation des compétitions à venir sur le sol américain.
Restrictions totales | Restrictions partielles | Impact sportif potentiel |
---|---|---|
Afghanistan | Burundi | Qualification probable pour la Coupe du Monde (Iran) |
Myanmar | Cuba | Nombreux athlètes olympiques (Soudan, Iran) |
Chad | Laos | Participation incertaine à la Gold Cup (Haïti) |
Congo | Sierra Leone | Sportifs professionnels évoluant aux USA (Venezuela) |
Equatorial Guinea | Togo | Difficultés pour les camps d’entraînement |
Eritrea | Turkmenistan | Absence de supporters nationaux |
Haiti | Venezuela | Complications logistiques pour les équipes |
Iran | Risque de boycott en signe de protestation | |
Libya | Problèmes pour les équipes techniques | |
Somalia | Désavantage compétitif (absence de fans) | |
Sudan | Complications pour les staffs médicaux | |
Yemen | Difficultés pour les journalistes accrédités |
Cette mesure restrictive n’est pas sans rappeler le premier « travel ban » instauré par Trump lors de son premier mandat. À l’époque, la FIFA avait clairement averti le président américain qu’une telle politique pourrait compromettre la candidature américaine pour l’organisation de la Coupe du Monde 2026.
- L’Iran, déjà qualifié pour le Mondial 2026, verra ses supporters privés d’accès au territoire américain
- Haïti, dont la participation à la Gold Cup débutant le 15 juin est désormais incertaine
- Le Venezuela, sous restrictions partielles, compte 9 joueurs évoluant en MLS dont le retour sur le sol américain après les matches internationaux pose question
- L’Afghanistan, dont 7 joueurs de cricket participent à la Major League Cricket aux États-Unis
- Le Soudan, qui prépare activement sa nouvelle génération d’athlètes pour les JO 2028
Les exceptions pour les athlètes : une solution qui soulève d’autres problèmes
Le décret présidentiel contient une clause spécifique concernant les sportifs. La section 4 précise que « tout athlète ou membre d’une équipe sportive, y compris les entraîneurs, les personnes exerçant un rôle de soutien nécessaire et les proches parents, voyageant pour la Coupe du Monde, les Jeux Olympiques ou tout autre événement sportif majeur déterminé par le secrétaire d’État » pourra bénéficier d’une exemption.
Cette formulation vague sur ce qui constitue un « événement sportif majeur » laisse la porte ouverte à des interprétations arbitraires et à des incertitudes pour de nombreuses compétitions.
Le flou artistique autour des « événements sportifs majeurs »
Le libellé du décret présidentiel, délibérément imprécis, place entre les mains du secrétaire d’État Marco Rubio un pouvoir discrétionnaire considérable. Celui-ci devra déterminer quelles compétitions méritent le label d' »événement sportif majeur » et donc l’exemption qui l’accompagne.
Ce manque de clarté soulève de nombreuses questions pratiques pour les organisateurs et les athlètes. Plusieurs compétitions majeures se retrouvent dans l’incertitude, sans savoir si elles bénéficieront des exemptions promises.
Compétition | Date | Pays concernés | Statut d’exemption |
---|---|---|---|
Coupe du Monde 2026 | Juin-Juillet 2026 | Iran (qualifié), Venezuela et Haïti (potentiels) | Exemption confirmée |
JO Los Angeles 2028 | Juillet-Août 2028 | Les 12+7 pays concernés | Exemption confirmée |
Gold Cup 2025 | Débute le 15 juin 2025 | Haïti | Incertain |
Mondial des Clubs 2025 | 14 juin – 13 juillet 2025 | 10 joueurs des pays concernés | Incertain |
Major League Cricket | En cours | 7 joueurs afghans | Incertain |
Camps d’entraînement pré-olympiques | 2025-2028 | Athlètes des 12+7 pays | Non mentionné |
Nicole Hoevertsz, vice-présidente du CIO qui préside la commission de coordination de LA28, s’est montrée rassurante : « 206 pays se préparent à venir aux Jeux. Le gouvernement fédéral nous a donné cette garantie… pour s’assurer que ces participants pourront entrer dans le pays. Nous sommes très confiants que cela sera accompli. »
Casey Wasserman, président du comité d’organisation des JO de Los Angeles 2028, a également déclaré après une réunion avec la commission de coordination du CIO : « Il était très clair dans la directive que les Jeux olympiques nécessitent une considération spéciale, et je tiens à remercier le gouvernement fédéral pour l’avoir reconnu. »
- La Gold Cup, tournoi majeur de la CONCACAF, débute le 15 juin avec Haïti comme participant
- Le Mondial des Clubs de la FIFA se tiendra aux USA du 14 juin au 13 juillet
- Des camps d’entraînement pré-olympiques sont régulièrement organisés aux États-Unis
- Des compétitions universitaires accueillent de nombreux athlètes internationaux
- Des tournois de qualification olympique pourraient se tenir sur le sol américain
Les supporters dans l’impasse : le désavantage compétitif
Si les athlètes des pays bannis peuvent respirer – au moins pour les deux événements majeurs – leurs supporters, eux, n’ont reçu aucune garantie similaire. Cette absence de dérogation pour les fans crée une situation inédite et potentiellement injuste sur le plan sportif.
L’interdiction d’accès au territoire américain pour les supporters de certains pays pourrait constituer un désavantage compétitif notable. Imaginez l’Iran disputant un match de Coupe du Monde face aux États-Unis dans un stade exclusivement acquis à la cause américaine, sans aucun de ses supporters pour l’encourager.
L’équité sportive remise en question
Le principe fondamental de l’équité sportive pourrait être malmené par cette mesure. Dans des sports comme le football, le « douzième homme » – les supporters – joue souvent un rôle crucial dans la performance des équipes. Privées de leurs fans, certaines nations se retrouveront dans une position désavantageuse.
Cette situation pose également un problème d’image pour les États-Unis, qui se présentent comme hôtes universels de ces compétitions mondiales. L’interdiction des voyages pourrait affecter l’ambiance et l’esprit des compétitions, censées rassembler les peuples au-delà des différences politiques.
Conséquence | Impact sportif | Impact économique | Impact diplomatique |
---|---|---|---|
Absence de supporters | Désavantage compétitif | Perte de revenus billetterie | Tensions diplomatiques |
Stades déséquilibrés | Avantage pour certaines équipes | Baisse des dépenses touristiques | Image d’exclusion |
Ambiance moins festive | Perte de la diversité culturelle | Impact sur l’hôtellerie locale | Contradiction avec l’esprit olympique |
Menace de boycott | Dévaluation des compétitions | Pertes pour les sponsors | Crise du mouvement sportif |
Interrogé sur d’éventuelles inquiétudes concernant les ventes de billets pour les Jeux de Los Angeles, Casey Wasserman a répondu par un laconique « non », sans plus de détails sur la façon dont l’organisation compte pallier l’absence de certains groupes de supporters.
- L’Iran, déjà qualifié pour la Coupe du Monde 2026, verra ses supporters interdits d’entrée sur le territoire
- Les fans vénézuéliens ne pourront pas soutenir leur équipe si elle se qualifie
- Les tribunes réservées aux pays bannis risquent de rester vides
- L’absence de couleurs et chants nationaux appauvrira le spectacle
- Les retombées économiques locales seront réduites pour les hôtes américains
Les sportifs professionnels évoluant aux USA : entre incertitude et anxiété
Au-delà des compétitions ponctuelles, le « travel ban » soulève des questions cruciales pour les sportifs professionnels ressortissants des pays concernés qui évoluent déjà aux États-Unis. La NBA, la MLB et la MLS comptent dans leurs rangs plusieurs athlètes originaires des pays visés par l’interdiction.
Pour ces sportifs, l’incertitude plane quant à leur capacité à continuer d’exercer leur métier sur le sol américain, particulièrement s’ils doivent voyager à l’étranger pour des compétitions internationales ou des visites familiales. La mesure de Donald Trump crée une anxiété palpable dans le milieu sportif professionnel.
Le casse-tête des voyages internationaux pour les sportifs professionnels
Le cas des joueurs vénézuéliens de MLS illustre parfaitement ce dilemme. Actuellement, neuf Vénézuéliens évoluent dans le championnat américain de football. Trois d’entre eux – Ronald Hernandez (Philadelphia Union), David Martinez (Los Angeles FC) et Josef Martinez (San Jose Earthquakes) – participent actuellement à des matches internationaux avec leur sélection nationale.
Que se passera-t-il lorsqu’ils tenteront de revenir aux États-Unis, alors que les restrictions de voyage seront déjà en vigueur? Le décret présidentiel ne clarifie pas leur situation, créant une zone grise juridique préoccupante pour ces athlètes et leurs clubs employeurs.
Ligue | Nombre d’athlètes concernés | Nationalités | Problématique |
---|---|---|---|
MLS (Football) | 9 | Vénézuéliens | Retour après matches internationaux |
Major League Cricket | 7 | Afghans | Statut de séjour incertain |
NBA (Basketball) | Plusieurs | Divers pays concernés | Complications pour les déplacements |
MLB (Baseball) | Plusieurs | Divers pays concernés | Visites familiales compromises |
NCAA (Universitaire) | Nombreux | Dont Sud-Soudanais | Risque de non-retour après vacances |
Le cas de Khaman Maluach, star sud-soudanaise de basketball à l’université Duke, illustre également cette problématique. Plus tôt cette année, il avait été conseillé à ce joueur prometteur de ne pas quitter les États-Unis après la révocation des visas pour les détenteurs de passeports sud-soudanais, de peur qu’il ne puisse pas revenir.
Un porte-parole de la Major League Cricket a déclaré à ESPN qu’ils « continuaient à surveiller la situation et travaillaient avec les autorités compétentes pour minimiser les perturbations de voyage pour les joueurs étrangers ». Cette déclaration prudente reflète l’incertitude générale qui règne dans le milieu sportif professionnel américain.
- Les contrats professionnels pourraient être compromis par l’impossibilité de revenir aux USA
- Les sélections nationales risquent de devoir se passer de leurs joueurs évoluant aux États-Unis
- Les universités américaines pourraient perdre des talents sportifs étrangers
- Les ligues professionnelles craignent un appauvrissement de leur niveau technique
- Des carrières entières pourraient être bouleversées par cette mesure administrative
FIFA et CIO : entre diplomatie et compromission
Face à cette situation, les instances dirigeantes du sport mondial se retrouvent dans une position délicate. D’un côté, elles doivent défendre les principes d’universalité et d’inclusion qui sont au cœur de leur mission. De l’autre, elles dépendent de la bonne volonté du pays hôte pour l’organisation des compétitions majeures.
Cette ambivalence est particulièrement visible dans l’attitude de Gianni Infantino, président de la FIFA. Lors du premier mandat de Trump, il avait fermement averti que les restrictions de voyage pourraient compromettre la candidature américaine pour la Coupe du Monde 2026. Aujourd’hui, sa position semble beaucoup plus conciliante, voire complaisante.
Le grand écart diplomatique des instances sportives internationales
Le comportement du président de la FIFA ces derniers mois interpelle. Lors de l’investiture de Trump en janvier dernier, Infantino était présent, applaudissant et riant durant le discours du président américain – un discours qui contenait pourtant des remarques négatives à l’égard du Mexique et du Canada, co-organisateurs du Mondial 2026.
Durant la semaine de l’investiture, Infantino a multiplié les publications élogieuses sur les réseaux sociaux, allant jusqu’à écrire sur Instagram : « Donald Trump et moi partageons une grande amitié ». Au total, il a posté neuf messages concernant Trump en moins d’une semaine.
Organisation | Position en 2017 | Position en 2025 | Contradictions |
---|---|---|---|
FIFA (Infantino) | Opposition ferme au travel ban | Proximité affichée avec Trump | Volte-face complète |
CIO | Défense de l’universalité olympique | Confiance affichée dans les exemptions | Absence de critique publique |
CONCACAF | Inquiétudes pour les équipes caribéennes | Silence diplomatique | Enjeux économiques prédominants |
Syndicat MLS | « Profondément préoccupé » par le ban | Attente de clarifications | Protection des joueurs vs politique |
Cette proximité affichée tranche avec la posture adoptée lors du premier « travel ban ». Elle soulève des questions sur l’indépendance de la FIFA face aux pressions politiques et sa capacité à défendre ses propres valeurs lorsque des enjeux économiques majeurs sont en jeu.
Le CIO, pour sa part, se montre plus mesuré mais tout aussi pragmatique. S’il réaffirme régulièrement les valeurs d’universalité et de fraternité de l’olympisme, il semble se satisfaire des exemptions promises pour les athlètes, sans questionner l’impact plus large du « travel ban » sur l’esprit des Jeux.
- Infantino a accompagné Trump lors de sa visite d’État en Arabie Saoudite
- Le président de la FIFA a retardé le début du congrès au Paraguay pour une rencontre privée avec Trump
- Les instances continentales comme l’UEFA ont exprimé leur mécontentement face à cette proximité
- Le CIO évite toute critique directe de la politique migratoire américaine
- Les fédérations des pays concernés hésitent entre protestation et pragmatisme
Cette ambiguïté des instances dirigeantes reflète la complexité de leur position. Critiquer ouvertement la politique migratoire américaine pourrait compromettre l’organisation des événements majeurs, tandis que l’accepter sans broncher revient à renier certaines valeurs fondamentales du sport international.